La Nuit Nanarland 6 

LA NUIT NANARLAND 6
SAMEDI 1ER OCTOBRE 2022 – 19H30/08H00 – LE GRAND REX

La Nuit Nanarland revient le 1er octobre prochain. Les habitués connaissent le principe : près de 12 heures de projection au Grand Rex à Paris, des bandes-annonces rares, des extraits absurdes, des cuts Nanarland généreux, des quiz endiablés, et bien sûr quatre films qui chaque année laissent des séquelles irréversibles à nos spectateurs (on nous parle encore de l’expérience En Büyük Yumruk de l’an dernier, mais aussi de Twisted Pair…. il y a trois ans, ou de Karate contra Mafia en…2016 !)

Difficile cette année de deviner quel film imprimera le plus violemment nos rétines : peut-être BIM Stars, la première comédie musicale que nous programmons ? New York Ninja, film fauché et rareté ultime, patiemment reconstruit par des archéologues du cinéma ? Savulun Battal Gazi Geliyor, une épopée médiévale turque, hommage obligé à Cuneyt Arkın ? Ou Le Faucon, polar cacochyme qui ouvrira la soirée, dont le statut d’incontournable faux-pas du cinéma français ne cesse de grandir depuis sa restauration ?

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IMPORTANT : Ouverture des portes à 18h00 // Vous pouvez venir avec de la nourriture emballée type chips, gâteaux, cookies etc. mais pas de plats chauds et/ou en sauce ni de boissons en canettes (les bouteilles en plastique sont autorisées). Nous sollicitons évidemment votre bienveillance pour ne pas qu’il y ait d’abus, de dégradations ni de déchets abandonnés dans la salle. Les contrevenants, s’ils sont pris en flagrant délit, seront fouettés sur scène cul nu avec des orties.

Le Faucon
Paul Boujenah – 1983 – France – 83 min – VF – DCP

Le flic Frank Zodiak n’est plus que l’ombre de lui-même après la mort de sa femme dans un accident qui a laissé sa petite fille dans le coma. Son salut viendra peut-être de la traque désespérée du malfrat Gus Sabor.

“Il n’a jamais tué”, nous prévient l’affiche originale de ce polar certifié made in France. Pourquoi cette précision ? Pourquoi ce surnom ? Pourquoi ce tropisme pour la junk food américaine, qui voit Zodiak élever le « chizebourgueur » au rang d’objet totémique ? Pourquoi son insupportable collègue, joué par un jeune Vincent Lindon, l’a-t-il donc pris en grippe ? Pourquoi cette bande-son free-jazz sur les scènes de poursuite ? Tels sont quelques-uns des mystères de ce film galopant comme un cheval sans tête, sans direction précise, au jugé, mû par la performance intense jusqu’au malaise d’un Francis Huster brut de pomme, à fleur de peau, à fleur de toi. Il est évident que ce polar rêve très fort d’Amérique, et ne sait trop comment insérer son fantasme dans le cadre d’un cinéma policier français en pleine apogée. Le Faucon n’a strictement aucun sens, et c’est ce qui le rend si unique dans un paysage national alors encombré de chefs-d’oeuvre signés Henri Verneuil, Alain Jessua ou Yves Boisset, de transpositions audacieuses de faits divers récents ou d’explorations sociétales de l’époque. Au gré de ses partis pris absurdes, Le Faucon fait valdinguer son héros dans des lieux parisiens rarement vus sur grand écran. Frank Zodiak court et court encore, il croise de futurs grands noms du cinéma français (outre un Lindon croquignolet, le spectateur attentif reconnaîtra Agnès Jaoui, Isabelle Nanty, Maurice Lamy et même Audrey Dana), il frôle le nervous breakdown dès qu’il stoppe sa course folle. Nous sommes tous Frank Zodiak et Frank Zodiak n’est personne.

Savulun Battal Gazi Geliyor
Natuk Baytan – 1973 – Turquie – 89 min – VOSTF – DCP

Dans ce 3e volet des aventures du guerrier Battal Gazi, notre héros doit sauver son père des griffes de salopards chrétiens, et laver l’honneur de sa sœur en achevant ses bourreaux d’un bon coup dans les burnes.

Il est acquis qu’à la dernière Nuit Nanarland, la projection de En Büyük Yumruk a fait le tri entre les vrais nanardeurs et les bonnes volontés manquant encore d’entraînement. Pourquoi donc renouveler si tôt l’expérience avec un autre film d’exploitation turc ? Tout simplement en l’honneur du grand Cüneyt Arkın, disparu le 28 juin 2022, auquel il était impensable de ne pas rendre hommage. Que les valeureux sortis de la séance de l’an dernier avec une migraine carabinée se rassurent : Savulun Battal Gazi Geliyor peut se targuer d’un montage infiniment moins ronge-crâne, et d’une restauration flamboyante honorant ses somptueuses couleurs d’origine. Loin des expérimentations quasi surréalistes de En Büyük Yumruk, le film de Natuk Baytan est un rêve de semi blockbuster épique mais fauché, plein de méchants patibulaires, de sauts en trampoline et de sang rouge écarlate. Cüneyt Arkın y est plus beau et bondissant que jamais, il rosse du faquin à l’épée, à l’arc, dans un tonneau, à mains nues, dans des prises de MMA avant l’heure. Il n’est qu’acrobatie, torse glabre, regard d’acier. Il est un roi, à toujours et à jamais.

New York Ninja
John Liu, Kurtis Spieler – 1984-2021 – Etats-Unis – 93 min – VOSTF – DCP

Après la mort de sa femme, un preneur de son enfile sa tenue de ninja et s’en va débarrasser les rues new-yorkaises de leurs innombrables loubards. Sa route va croiser celle du Plutonium Killer…

En 2021, l’éditeur Vinegar Syndrome entre en possession des rushs non sonorisés d’un film jamais monté, tourné en 1984 par un castagneur taïwanais du nom de John Liu. Ce dernier, retiré des affaires cinématographiques, ne veut plus entendre parler du projet mais autorise l’éditeur à en faire ce qu’il désire. Une mission inédite attend alors le monteur / réalisateur Kurtis Spieler : donner sens à cette matière brute et créer une bande-son ex nihilo. Pour ce faire, il engage un casting vocal de rêve pour tout amateur de bis qui se respecte : Don “The Dragon” Wilson, Cynthia Rothrock, Michael Berryman, la scream queen Linnea Quigley ou encore l’actrice de films pour adultes Ginger Lynn viennent doubler les interprètes originaux, dont les lignes de dialogues ont été décryptées par des spécialistes de la lecture labiale. En lieu et place du collage situationniste redouté, cette post-production tardive s’efforce d’honorer le matériau de base du mieux possible – sachant que ledit matériau de base se suffit largement à lui-même en termes d’hallucination visuelle et dramatique, avec pour apogée la confrontation des jeux outrés de John Liu et du chauffeur du Plutonium Killer. Nul ne sait ce qu’aurait donné le produit fini si sa société de production n’avait pas fait faillite en 1984, mais cette interprétation réussit à en deviner les intentions sans les trahir. Un véritable tour de force, au service d’une zumba artistique qui n’en attendait certainement pas tant.

BIM Stars (The Apple)
Menahem Golan – 1980 – Etats-Unis / Allemagne de l’Ouest – 88 min – VF – DCP

Dans le futur lointain de 1994, Bibi et Alphie participent au plus grand concours musical du monde. Repérés par le diabolique Mister Boogalow, ils vont découvrir l’enfer du show-business et de la drogue.

Dans le passé foisonnant de la fin des années 1970, Menahem Golan a des rêves de grandeur. Il a conquis le marché cinématographique israélien en long, large, travers et diagonale ; il rêve d’Hollywood, donc du monde. Il rachète en 1979 la compagnie américaine Cannon Films avec son cousin producteur Yoram Globus, et cherche le film qui lui fera sauter le pas. Le projet de ses rêves lui vient de la rock star Koby Recht : une comédie musicale inspirée de son expérience auprès du producteur français Eddie Barclay, transfiguré en figure démoniaque prête à noyer les artistes innocents dans le stupre et la luxure. Menahem Golan voit des dollars, un box-office turgescent, le monde du cinéma à ses pieds. Il tourne à Berlin-Ouest, et met toute sa maîtrise technique, patiemment acquise au long de sa vingtaine de longs-métrages précédents, au service de numéros musicaux ambitieux, gorgés de nombreux figurants. A ses yeux, il vient de boucler le nouveau Citizen Kane. En réalité, BIM Stars (The Apple en VO) est un objet excessivement kitsch et clinquant, une relecture du mythe d’Adam et Eve farcie de métaphores bibliques pas très subtiles, mise en musique avec la finesse d’un orchestre bavarois un jour de fête de la bière. A Los Angeles, les premiers spectateurs de BIM Stars se voient offrir des vinyles de la bande originale mais les ouvreuses doivent y renoncer après la première séance : le public se servait des disques comme de frisbees pour viser l’écran ! De fait, le décalage entre la vision du réalisateur et l’accueil du public marquera Menahem Golan à jamais : à l’avenir, notre homme privilégiera l’efficacité à toute ambition artistique. Pour le cinéma d’exploitation moderne, BIM Stars est l’équivalent de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand.